• ACCUEIL
  • LE LIVRE
  • L'AUTEUR
  • ILS EN PARLENT
  • REVUE DE PRESSE
BARRANCA
  • ACCUEIL
  • LE LIVRE
  • L'AUTEUR
  • ILS EN PARLENT
  • REVUE DE PRESSE

BARRANCA / ÉPISODE 35

1/26/2018

0 Commentaires

 
Résumé : Amérique, sud des Étas-Unis, après le passage violent d'un ouragan de classe 5. Sauvé de justesse par Caroll, Victor arrive dans une communauté de marginaux à l'extrémité de la ville mise à mal par l'ouragan... ​​

Il avait l’esprit pratique. L’idée de la transformation de voitures, c’était de lui aussi. Au fil des mois, c’était devenu le domaine de Mik, mais chacun apportait sa petite occasion à réparer. Ce business permettait au groupe de vivre d’une façon autonome et ça n’empêchait pas pour autant de fréquenter l’université, sans subventions ni aumône de quelque sorte. Eduardo laissait à qui le demandait la maison principale. C’était le lieu de réunion. Il y avait installé un petit coin, dans la grande pièce centrale, où il pouvait composer avec sa main droite encore valide. Il monnayait ses compositions aux Black Horses qui lui étaient restés fidèles.
– On récupère des épaves et on les rénove ou on les customise si on nous le demande. On en fait des modèles uniques et rares, et elles prennent de la valeur. On les revend. Ça nous permet de bouffer. Il ajouta : Si tu as besoin du garage pour réparer ton bus... c’est possible... Pour les outils, vois ça avec Mik, c’est lui qui gère le coin mécanique. 
– Tu penses qu’il serait possible d’aller chercher mon bus ? 
José se grattouilla le sommet du crâne, scruta les alentours avant d’annoncer :
– On va se démerder...
 
Mik était sorti et démarra au volant d’un buggy qui fit un bruit monstrueux. Ça ne ressemblait plus à une Volkswagen : il avait tronqué l’arrière, laissant le moteur à l’air, et scié les ailes et l’avant. Deux phares de moto sur le capot remplaçaient ceux des ailes disparues. Les roues étaient surdimensionnées. La carrosserie avait été peinte en bleu, rouge et jaune par José avec des motifs délirants. Mik commençait à reculer dans l’allée en terre battue, lorsque Darleen sortit de la caravane. Mik l’attendit les yeux mi-clos à cause du soleil. Il couvrit ses paupières avec sa main, à la façon d’un Indien, et se tourna vers moi : 
– Victor, j’ai du boulot pour toi si tu veux... Ce n’est pas ce qui manque ici depuis la tempête.
– Ça tombe bien, j’en ai salement besoin. C’est quoi, c’est où ?
– Du côté de Linda Vista Road, en haut d’Alameda, c’est un chantier de quelques jours... Je ne peux pas y aller. Tu y vas à ma place, tu demandes Ron. Il a une vieille Ford pick-up bleu clair. C’est le chef du chantier. Demain à sept heures. Sois ponctuel. 
– Je viens de ta part ?
– Oui, ça peut le faire… 
Mik avait déjà bossé avec ce Ron par le passé. Il suffisait que je dise que je venais de la part d’un certain Boule ou bien Bill et que je le remplaçais. 
– Boule, tu dis ?
– … Ou Bill ! L’un ou l’autre fera l’affaire. Ils sont deux patrons. Ils ont besoin de quelqu’un de toute façon. 
Ça tombait à pic. Il était urgent que je remonte mon trésor de guerre. Je pensai soudain à ma carte de séjour. Je n’avais pas vraiment le droit de travailler, mais j’en restai là. Je préférais ne pas trop inquiéter Mik sur ce point. Il me restait quelques heures pour tenter de régler mon problème de carte de sécurité sociale. Je le remerciai mais il ne prêta pas plus d’attention que cela à mes remerciements. 
– On ira chercher ton bus après-demain. Parole !
Je n’y croyais plus. 
– N’oublie pas : Linda Vista Road, demain matin, en tout cas, mec.
– Je t’ai dit que j’y serai, Mik, et j’y serai ! 
Eduardo, l’air entendu, d’un même signe de la main dit à la fois bonjour à Mik et au revoir à Darleen. Mik enclencha la première. Lorsqu’il passa le chemin en terre, j’aperçus pour la première fois le panneau de bois fendu à l’entrée du terrain, qui indiquait aux visiteurs : BARRANCA.


Chers amis lecteurs, BARRANCA va faire une petite pose pour les vacances et reprendra ultérieurement. Merci de votre attention et de votre compréhension, à bientôt. 
​
0 Commentaires

BARRANCA / ÉPISODE 34

1/19/2018

0 Commentaires

 
La voix de José me surprit.
– ... Heu... non, j’ai cru voir un truc hier  soir, une sorte de longue forme arrondie. Comme une planche à repasser géante...
– Ici, tu sais, il y a surtout des bagnoles... Là, c’est la maison de Mik... José me désignait la première maison que l’on voyait en entrant sur le terrain. Et là, c’est chez moi. José indiquait un vieux chalutier dont la proue pointait vers la maison. 
– Tu crèches dans le bateau ? 
– Oui, et je n’ai pas le mal de mer. À l’occasion, passe, je te ferai visiter. Et là-bas c’est le coin d’Eduardo et Darleen...
– Dans la caravane ?
– Oui, c’est la caravane d’Eduardo. LA caravane d’Eduardo ! 
Il insista sur le LA pour bien exprimer le caractère unique de l’agencement mais aussi la personnalité du propriétaire. La caravane d’Eduardo était composée de deux Airstream soudées l’une à l’autre en forme de V assez large. Eduardo aurait aussi bien pu enlever les roues, elles n’avaient plus aucune utilité, mais il trouvait que sans roues ce n’était plus vraiment une caravane... Ça aurait ressemblé à n’importe quel refuge ordinaire en tôle de zinc, alors il avait gardé les roues. 
– Et puis comme ça il peut toujours tourner en rond ! précisa José en s’esclaffant.
Finalement, ça faisait un beau morceau de caravane, confortable. Eduardo vivait là avec Darleen. Le mobile home n’avait plus l’allure rutilante du départ mais un aspect plutôt terne auquel Eduardo avait ajouté sa touche : les fenêtres d’origine avaient été remplacées par des hublots de différentes tailles, soudés çà et là en fonction des récupérations. Ça donnait à l’ensemble un air de soucoupe volante. Un tuyau d’arrosage en caoutchouc rouge apportait l’eau courante en la réchauffant dans la journée. Le reste de la place était occupé par un enclos avec deux chèvres et trois vieilles voitures : les deux chèvres étaient là pour le lait, les voitures attendaient une éventuelle transformation. Mais ce n’était pas pressé, « il y aura bien un acheteur », disait-il.
Au départ, le terrain était celui d’Eduardo qui l’avait acheté à l’époque où ça ne valait encore presque rien par ici. Il avait vu large. Depuis, ça s’était loti alentour et le prix du mètre carré avait explosé. 
Eduardo avait été un des musiciens des Black Horses, un groupe de folk chicano local. Le groupe cartonnait dans la région, et Eduardo empochait pas mal de fric. Mais à la suite d’un accident de moto sur la corniche, il avait perdu l’usage de sa main gauche et ne pouvait plus gratter la guitare. Ses quatre partenaires, chicanos comme lui, avaient continué avec un autre guitariste. Il ne leur en gardait pas rancune et suivait le groupe de loin. Depuis, il restait près de sa caravane mais il aimait toujours vivre en groupe. Alors il avait accueilli ses copains sur son terrain sans aucune contrepartie. La taxe foncière était abordable et chacun participait à hauteur de ses moyens. Tous comprenaient l’équilibre à trouver, et le groupe fonctionnait sans accroc sur cette base. 
Eduardo possédait aussi le garage qui servait d’atelier.

(À SUIVRE)
0 Commentaires

BARRANCA / ÉPISODE 33

1/12/2018

0 Commentaires

 
Résumé : Amérique, sud des Étas-Unis, après le passage violent d'un ouragan de classe 5. Sauvé de justesse par Caroll, Victor arrive dans une communauté de marginaux à l'extrémité de la ville mise à mal par l'ouragan... ​​

Sa chemise ouverte laissait entrevoir la peau finement duvetée de sa cuisse à quelques centimètres de mon genou. Elle saisit la tasse de thé que Dan lui avait servie. 
– C’est le troisième bus ces jours-ci. Ça met du beurre dans les épinards... 
Mik s’immobilisa sur le pas de la porte de la cuisine :
– Je vais à USC, Darleen, je peux te déposer si tu veux...
Elle tenait sa tasse à hauteur de ses lèvres dans un mouvement arrêté.
– À quelle heure ? 
– Un quart d’heure...
– Je serai prête.
Elle goûta son infusion.
Mon sauvetage restait encore possible pour ce matin. Avec un peu de chance… 
Le bain était prêt. Darleen ôta sa robe, enjamba le rebord de la baignoire et s’engloutit dans l’eau tiède. La porte resta ouverte. Elle poursuivit la conversation depuis la baignoire.
– Ça vous dit, une « spéciale poubelles » un de ces soirs pour arroser l’arrivée de Victor ?
Mik n’avait pas franchi le seuil de la pièce, il leva simplement le pouce en signe d’approbation.
– Vendu ! fit simplement Darleen du fond de son bain. Victor et José se chargent des courses, moi je n’ai pas le temps ces jours-ci… 
Je rassemblai ma vaisselle et cherchai une place dans l’évier, en vain. 
– C’est quoi, une « spéciale poubelles » ? risquai-je.
– On fait le tour de tous les supermarchés de la ville, on récupère tout ce qui est encore à peu près consommable dans les poubelles et on en fait une grande soupe dans un chaudron. C’est une occasion de bien bouffer. On y trouve ce que l’on ne peut pas se payer habituellement, précisa Darleen.
Les soirées « spéciales poubelles », c’était aussi un bon moment pour faire une fête. La petite bande se réunissait sur le terrain vague derrière la maison en mangeant, buvant, écoutant de la musique devant un grand feu. 
– On fixera la date, avança José en inspectant les casseroles dans l’évier, avant de renoncer à faire la vaisselle. Il empila finalement ses couverts sur le tas précédent. Probablement plusieurs jours que ça durait comme ça.
Je sortis un instant sur le perron. Les taillis alentour étaient embarrassés par des épaves de voitures et quelques vieilles Harley-Davidson incomplètes... Le vaste terrain m’apparaissait encore plus encombré que la veille. Il y avait des pièces détachées un peu partout, posées çà et là. C’était une véritable casse. J’avançai vers l’angle de la maison…
– Tu cherches quelque chose ?

​(À SUIVRE)
0 Commentaires

BARRANCA / ÉPISODE 32

1/5/2018

1 Commentaire

 
Résumé : Amérique, sud des Étas-Unis, après le passage violent d'un ouragan de classe 5. Sauvé de justesse par Caroll, Victor arrive dans une communauté de marginaux à l'extrémité de la ville mise à mal par l'ouragan... ​

On pouvait congeler du shit ! De l’herbe congelée qui décuplerait ses effets ! En tout cas, ça valait la peine d’essayer. 
Dans une atmosphère hilare, les plans sur la comète fusèrent. En premier lieu, il fallait trouver le moyen de descendre la température au niveau du zéro absolu, c’est à dire moins 273 °C. Dan nous rappela ironiquement, « mes petits chéris », que l’hydrogène se liquéfiait lorsqu’on le refroidissait à une température inférieure à moins 250 °C et qu’il suffisait de poser quelques feuilles dans un bol et de l’immerger dans de l’oxygène liquide. « CQFD ! » ajouta-t-il en se redressant. 
Récupérer un peu d’oxygène liquide, cela ne devait pas réellement poser de problème pour des habitués des couloirs de physique à USC. Tous se regardèrent, sourire malin au coin des lèvres, en se demandant qui allait dégainer le premier.
– Pour l’oxygène, pas de problème, il y a une bouteille pratiquement pleine dans mon labo. Je dois pouvoir aller la chercher un de ces jours. C’est lourd. Qui viendra ? fit Dan, en tête.
Il était clair que l’expédition comportait des risques. Mais nous étions comme des gosses, fous de joie à l’idée de cette découverte essentielle qu’il fallait absolument vérifier sans délai. De toute façon, la transgression faisait partie intégrante du plaisir de la bande. 
Il fallait rejoindre le labo, trouver une clef, récupérer la bonbonne, acheter une bonne quantité d’herbe, suffisamment pour une bonne expérimentation, et revenir ici. Pas simple par ces jours où les flics étaient partout. Je levai la main avec conviction. Darleen en profita pour me nicher un joint entre le pouce et l’index. 
Alors là, nous partîmes en roulades sur la moquette sale, le tas de corps se défit soudain. Nous nous éparpillâmes dans un flot de suggestions plus délirantes les unes que les autres. Chacun roula de son côté sous l’effet de l’enthousiasme. Ma galipette m’immobilisa au centre de la pièce, juste sous le trou d’où Dan était sorti quelques heures plus tôt. La corde se balançait sous mon nez. Mon regard ne quittait plus cette niche inimaginable ornée de centaines de bouquins. Ces mecs étaient dingues et je compris que j’adorais cette folie. Il était plus sûrement onze heures et moi qui ne croyais pas à grand-chose, je me surpris à bénir le chemin qui m’avait conduit jusqu’ici. 
À ce rythme, mon minibus n’était pas près d’être remis sur ses roues et je m’en fichais. 
Dan fixa le jour où nous irions chercher la bonbonne. Darleen se leva, entra sans la salle d’eau et fit couler un bain, puis elle vint s’asseoir près de moi sur le banc en attendant que la baignoire se remplisse. 

(À SUIVRE)
1 Commentaire

BARRANCA / ÉPISODE 31

12/29/2017

0 Commentaires

 
Résumé : Amérique, sud des Étas-Unis, après le passage violent d'un ouragan de classe 5. Sauvé de justesse par Caroll, Victor arrive dans une communauté de marginaux à l'extrémité de la ville mise à mal par l'ouragan... ​

Il brandit le numéro d’un magazine scientifique comme un trophée. Il détacha la double centrale, la plia pour qu’elle prenne la forme d’un avion et la propulsa vers le centre de la grande pièce. 
Eduardo ramassa la flèche et ouvrit le document. Le chapeau de l’article disait, en synthèse : Lorsqu’il est descendu à une température proche du zéro absolu, le thé développe un arôme très nettement plus prononcé… Maintenant, tout le monde s’affairait sur la page. On s’était allongés sur la moquette près du canapé. Nos corps formaient une sorte de tas vivant, rigolant de bon cœur en pensant à la suite qu’on allait pouvoir tirer de cette découverte inattendue. La nouvelle en soit était assez anodine et serait passée inaperçue pour les non-spécialistes du thé ou des basses températures, mais ici, quelques-uns allaient à l’université de Santa Clara. USC, ils disaient. Darleen y étudiait la littérature japonaise et, malgré leur air de ne pas y toucher, Dan et Mik étaient scientifiques. Tous les deux étudiaient le comportement des huîtres à l’unité de USC, détachée en site naturel, à South Pass. Là, installés dans un petit cabanon, ils observaient le développement des mollusques en milieu naturel. 
Dan avait tout de suite eu l’intuition en découvrant la double page. La nouvelle ouvrait des perspectives ô combien enrichissantes pour ces esprits vifs. Dan tenait la revue et détaillait la méthode en question. Mik à sa droite mimait en langage des sourds-muets à notre attention chaque étape de la démonstration. 
Fallait y penser ! Chacun ajoutait son idée, tentant d’améliorer la performance de l’enjeu ou d’essayer d’en rendre possible la reproduction ici même. 
– Tu t’es abonné à cette revue, Dan ? demanda Darleen. 
– Je l’ai trouvée dans une corbeille à USC en venant...
– Géniale, ta corbeille. Bonne pioche !
La nouvelle était d’importance car, si ce phénomène s’appliquait bien au thé, ce que décrivait l’article avec force précisions, il était vraisemblable qu’on pouvait attendre un effet similaire si on pratiquait le même protocole avec le cannabis ou toutes sortes d’herbes qui se fumaient, et chacun partit à imaginer la suite et les effets les plus incroyables qu’on en retirerait. 

(À SUIVRE)
0 Commentaires

December 22nd, 2017

12/22/2017

0 Commentaires

 
Résumé : Amérique, sud des Étas-Unis, après le passage violent d'un ouragan de classe 5. Sauvé de justesse par Caroll, Victor arrive dans une communauté de marginaux à l'extrémité de la ville mise à mal par l'ouragan... ​​


– On va s’en occuper aussi, Victor... Bonjour, Darleen ! Eduardo est levé ?
Darleen avait fait son apparition sans bruit dans la pièce lumineuse. 
– Il en était encore à se frotter les yeux quand je l’ai quitté, il y a quelques secondes... Je pense qu’il ne va pas tarder.
– Je te fais un thé ? 
Dan s’adressait à elle avec attention.
– Oh oui ! Je vais d’abord sauter dans un bain...
Darleen flottait au-dessus du carrelage. Sa grâce naturelle lui donnait un air de perpétuelle lévitation. Elle était petite et un peu ronde. Elle n’était vêtue que d’une chemise de nuit légère qui lui arrivait à mi-cuisses, dégrafée dans le dos. La lumière dessinait l’ombre de son corps sur le tissu. Je me surpris à la suivre des yeux. 
– Tu as entendu la dernière, Dan ? fit-elle. Aux infos ce matin, ils disent que ça bouge à Torre Carton & Cie… Elle ajouta à mon intention : Torre Carton & Cie, c’est la seule usine de Santa Clara... Mais la priorité de la mairie, c’est la marina de luxe au bas de Presidio Hill... Tu vois... celle avec le stupide logo en forme de bouée... Torre Carton & Cie, c’est plutôt pour la taxe foncière, t’as compris le topo... Le problème, c’est que si effectivement ça rapporte gros à la ville, par contre, ça pue... dans tous les sens du terme. 
– La municipalité a placé l’usine un peu à l’écart, sur la route de Cap Arguello pour ne pas que ça renifle trop les vapeurs toxiques en ville... précisa Dan. Tout ce qui se passe là-haut se sait rapidement en bas... 
– Depuis peu, les ouvriers demandent l’ouverture de négociations sur les conditions de travail, notamment des masques de protection plus efficaces pour les vapeurs toxiques. Ils bloquent l’entrée de l’usine et, depuis huit jours, personne ne peut ni entrer ni sortir... Alors, s’il y avait du grabuge là-haut, il y en a qui pourraient se le recevoir en pleine poire en bas... 
– C’est les joies des périodes électorales ! 
– Et je peux te dire qu’ils n’aiment pas du tout ça ici ! Ça leur rappelle de trop mauvais souvenirs… 
– La mairie envoie les flics ?
– Des cars entiers arrivent du nord, compléta Darleen.
Je compris qu’il n’était pas question que McKenzie foire sa réélection pour une bande d’abrutis irréductibles qui ne seraient jamais ses électeurs. À quelques semaines du scrutin, ce conflit n’était pas fait pour arranger ses affaires. 
Dan proposa aussitôt qu’on y fasse un saut sans trop tarder. Il pensait glaner quelques informations pour Do-it !. Do-it ! était un journal underground dans lequel Dan écrivait de temps en temps quelques articles, ce qui lui valait de s’attirer les foudres de l’intelligentsia conservatrice de Santa Clara. Il ajouta aussitôt qu’il était préférable de ne pas prendre de voiture à cause de la plaque d’immatriculation. 
– Il vaut mieux y aller avec la vielle mob de Mik, en plus ce sera plus marrant !
La veille mobylette était bienvenue dans cette circonstance où la discrétion s’imposait. 
– Bien sûr, mais il n’y aura pas de place pour tout le monde… Deux places sur la selle, trois au maximum en se serrant bien !
– Au retour, y aura qu’à pousser jusqu’à Goofy Falls, proposa Darleen.
– C’est quoi Goofy Falls ? 
– Un véritable coin de paradis, j’espère qu’un jour on pourra te le montrer...
– Ça ne m’apprend pas grand-chose…
– Il sera toujours temps, mon gros lapin… C’est sur la route de Cap Arguello.
Dan ajusta son bandana. Il eut soudain un air enthousiaste et étrangement suspect.
– Regardez ça, les mecs ! J’avais oublié de vous en parler. Mais je sens qu’on tient un gros poisson, là ! 

(À SUIVRE)
0 Commentaires

BARRANCA / ÉPISODE 29

12/15/2017

0 Commentaires

 
Résumé : Amérique, sud des Étas-Unis, après le passage violent d'un ouragan de classe 5. Sauvé de justesse par Caroll, Victor arrive dans une communauté de marginaux à l'extrémité de la ville mise à mal par l'ouragan... ​

Dan fit la grimace de quelqu’un qui s’attendait au pire. Ce ne fut pas le cas.
– Vingt... fit Mik en rentrant les épaules.
Dan fut immédiatement soulagé. 
– Je n’y suis pour rien, c’est à Eduardo qu’on le doit, c’est lui qui a mené la transaction. Il s’est bien démerdé.
Dan avait un joli sourire sur un visage juvénile, des yeux vifs, intelligents. C’était le genre de type qui était toujours cool. Enfin, il avait l’air cool. On peut avoir l’air cool et ne pas l’être en réalité. On ne connaît pas vraiment les gens juste en voyant leur gueule. Mais lui, il avait vraiment l’air du type qui ne s’énerve pas et qui trouve pourtant une solution à tout. Il donnait confiance avec gentillesse. Il passa la main dans ses cheveux. Il sentit que quelque chose lui manquait. 
– Mon bandana ! Il ajouta : De toute façon ça ne valait pas plus. Le moteur était entièrement à refaire... Tu jettes un œil sur mes Quaker, un instant ? 
Dan remonta sur son échelle et disparut un moment. Il revint avec un ruban rouge qu’il noua sur son front. Mik n’avait pas bougé et ne regardait même pas la casserole. Dan le remercia quand même, il savait qu’il n’y avait rien à surveiller. C’était comme ça.
Ici, les portes n’étaient jamais fermées. On mettait un disque, on se servait dans le frigo, c’était la règle. Quand il était vide, quelqu’un partait le remplir. Chacun apportait sa part lorsqu’il le pouvait. 
– Vingt dollars, c’est toujours ça, lâcha Mik laconique, repiquant le nez dans sa soupe. Il ajouta : Il faut que je voie Eduardo ce matin... Il est levé ? 
– Pas vu. 
Je me déplaçai afin de laisser une place libre sur le banc.
– J’ai un bus pour lui, dit Dan, la seule chose, c’est qu’il faut aller le chercher... 
Dan touillait son bol de Quaker Oats sans le quitter des yeux.
– C’est loin ? demanda Mik, émergeant à nouveau. 
Il avala d’un trait ce qui restait de soupe au fond de son bol et ramassa ses baguettes et sa cuillère. Il se leva, repoussant avec son mollet le banc vers l’arrière. Il déposa ses couverts en équilibre sur le tas précédent. Dan repéra la place que j’avais libérée.
– Relativement, mais on peut faire deux cents dollars dessus... Ou alors récupérer le moteur...
Mik entra dans les toilettes. Il s’assit sur la lunette sans fermer la porte. 
– Ça a l’air d’être une bonne occase. La voix de Mik résonnait. Il faut aller voir. 
– Tu lui diras, à Eduardo, pour le fric... 
Il coupa le gaz et vint s’asseoir à la place de Mik, la casserole d’une main, son bol de l’autre.
– Ouais... T’inquiète...
– Et le mien, c’est pas une bonne occase ? 
Dan me jeta un coup d’œil en soufflant sur sa première cuillerée. Il n’y eut pas de réponse. Après quelques instants, il se ravisa :
– C’est du business, Victor, ne te formalise pas... C’est notre mode de survie... Cool… Ne le prends pas mal...
– Je pense seulement à mon bus... Pour moi, les ennuis ne font que commencer… Je sais que vous n’y êtes pour rien.
– On va s’en occuper aussi, Victor... 

(À SUIVRE)
0 Commentaires

BARRANCA / ÉPISODE 28

12/8/2017

0 Commentaires

 
Résumé : Amérique, sud des Étas-Unis, après le passage violent d'un ouragan de classe 5. Sauvé de justesse par Caroll, Victor arrive dans une communauté de marginaux à l'extrémité de la ville mise à mal par l'ouragan... 

– Dix… Y a pire…
Mik était d’origine coréenne et il n’était pas d’un naturel causant. Surtout le matin. À la lumière du jour, le salon était pire que la nuit. Je le reconnus à peine car la clarté de la baie vitrée inondait la pièce. C’était un réceptacle d’objets hétéroclites éparpillés. Le sol était toujours jonché de gobelets en carton et de cendriers. Le vieux canapé en velours usé avait l’air plus sale encore que la veille au soir. Des trous de clopes apparaissaient sur le tissu, et les taches de graisse ressortaient davantage. Sur la moquette, les auréoles persistaient.
– Dan ? 
Je questionnai Mik, mais il avait déjà beaucoup parlé pour l’heure. 
Sans broncher, il pointa une sorte d’alcôve où l’on pénétrait par une trappe découpée dans le plafond. Il faut dire que personne n’aurait pu croire que quelqu’un couchait dans cette petite pièce. Je la découvris d’en bas. Trois mètres sur deux, entourée d’étagères croulant sous les bouquins. Une trappe carrée d’où descendait une échelle de corde. Ça ne laissait pas beaucoup de place mais c’était un vrai cocon. Dan dormait là-haut dans son réduit. Juste la place pour son matelas et un mètre cinquante de hauteur. La construction de bric et de broc de la maison donnait ce genre de bizarrerie où chacun pouvait trouver son coin. 

Dan descendit par l’échelle en chanvre, ébouriffé et pieds nus. Son pyjama, qui était un vieux kimono, restait ouvert sur sa poitrine imberbe. J’avais commencé la journée en descendant un demi-litre d’eau gazeuse directement au goulot d’une bouteille que j’avais attrapée dans la porte du frigidaire. Je n’avais pas encore déjeuné. La lumière était déjà vive et inondait la cuisine. Mik et moi étions déjà assis sur le long banc en bois. Dan le salua en premier.
– Salut Dan ! J’ai fait du thé... Si tu en veux...
– Ouais, ouais, je crois que je veux... Puis il se ravisa... Il y a des œufs ? Il changea encore d’avis en voyant Mik devant un petit bol chinois : Qu’est-ce que tu bouffes ?
– Soupe de nouilles... marmonna Mik, manipulant ses baguettes sans sourciller.
Dan opta finalement pour un bol de Quaker Oats. 
– On remet quoi ?
– And You and I, c’est cool le matin !
L’ambiance me fascinait malgré le tas de vaisselle qui s’empilait dans l’évier. Chacun s’accommodait de la vie du voisin. Un peu partout traînaient des fourchettes, des petites cuillères et des torchons. Il semblait n’y avoir aucune contrainte. La cuisinière était graisseuse, les meubles étaient anciens avec des portes vitrées, et la peinture s’écaillait à maints endroits sur la façade. Dan se confectionna ses Quaker dans la casserole déjà utilisée pour la soupe. Les premiers accords aériens de Yes emplirent la pièce lumineuse... Tout ce bordel respirait l’atmosphère d’une agréable désinvolture. Mik se tourna vers Dan : 
– Sur le buffet, là, c’est le fric du buggy d’hier... 
Mik s’était redressé sur le banc.
– Ah, c’est ça... J’ai vu... Combien il y a ?  

(À SUIVRE)
0 Commentaires

BARRANCA / ÉPISODE 27

12/1/2017

0 Commentaires

 
– Faut voir ! confirma Mik.
« Faut voir, faut voir », ça ne me disait rien qui vaille. José alluma un joint qu’il fit passer puis il remit un disque. Les conversations continuaient sur des sujets dont je perdis rapidement le fil. La musique se mélangeait aux commentaires. La journée avait été très longue. La fatigue gagnait. Le canapé était accueillant, je m’y vautrai finalement. Les vieilles couvertures ramollies me faisaient un matelas de choix. J’allais sombrer lorsque, dans une demi-somnolence, j’aperçus sur le mur rouge brique du fond une longue affiche punaisée en biais, d’une couleur ocre marron comme un vieux papier à lettres. Il y était inscrit : 
Immonde tiers-monde tu n’auras d’obole
Que la part chiée du hachis papal, t’as pas l’bol !

Je reconnus l’affiche de San Clemente Canyon et me rappelai les flics en 4x4. Les signes typographiques étaient ceux, très agrandis, d’une vieille machine à écrire. Ils présentaient des aspérités et des malfaçons amplifiées sur chaque caractère. La reproduction était telle qu’on sentait la force de chaque touche inscrite dans l’épaisseur de la pelure. 
– Wouhaou, c’est beau ça ! fis-je tout haut, en désignant le poster.
Dan me tira de ma torpeur :
– On récupère tout ce qui traîne pour la déco ! Et ça c’est une belle prise de guerre ! On recycle... Il y a une piaule là-haut, si tu veux, je te montre... 
Il précisa : 
– Prends ton temps, rien ne presse, mais tu dois être crevé, si tu veux, c’est là-haut... C’est comme tu veux...
Effectivement, temps mort pour moi. La Margarita et le joint m’avaient achevé. Je hochai la tête avec une moue perplexe. J’étais bien lové, et bouger me semblait un réel effort. J’optai quand même pour un « oui » mollasson. 

Était-il huit heures, était-il neuf heures ? Impossible de me faire une idée, la clarté de la pièce m’enlevait tout repère. Les rires et la fumée dans la pièce sombre hier soir… La musique aussi, David Bowie, Lou Reed… Les images me revenaient. La fumée, Caroll, l’accident sur la plage, ça y est, je remettais le topo… Mon bus, le looping, le cauchemar… Je déboulai dans la pièce au rez-de-chaussée. 
– Salut ! Toi, c’est Mik, c’est ça ?
– Ouais, salut Victor…
– Il est tard ?

(À SUIVRE)
0 Commentaires

BARRANCA / ÉPISODE 26

11/22/2017

0 Commentaires

 
Résumé : Amérique, sud des Étas-Unis, après le passage violent d'un ouragan de classe 5. Sauvé de justesse par Caroll, Victor arrive dans une petite maison en bois à l'extrémité de la ville...  

– Une occase...
Dan me fit préciser :
– Achetée ici, en ville ?
– Chez le grand concessionnaire... Au milieu de l’avenue qui descend du nord au sud.
– Alameda, tu veux dire ?
Le petit groupe retint son souffle. Chacun attendait soudain ma réponse. Elle intéressait apparemment au plus haut point. Je pressentis un traquenard. J’enfonçai mes mains tout au fond de mes poches et je poussai vers le bas en m’étirant... 
– Heu... McKenzie, je crois… balbutiai-je.
Il y eut un silence pesant. Il y avait un loup quelque part que je ne comprenais pas.
– Je ne sais pas si on va pouvoir réparer un McKenzie, dit José, l’air vraiment menaçant. 
– Victor n’y est pour rien ! Il n’est pas d’ici, plaida Dan.
– C’est vrai, mais c’est tout de même un McKenzie ! Sa voix s’éleva d’un cran. Puis il ajouta : Allez, laisse tomber... Va te faire foutre !
La musique s’était arrêtée depuis quelques secondes, laissant un vide encombrant. Je sentis une tension soudaine. Je ne comprenais pas ce qui se déroulait ici, mais une chose était claire, je n’avais pas dit le bon truc. 
Je pensai qu’après tout ils ne connaissaient rien de moi, ni qui j’étais ni d’où je venais. Tout ce que j’avais raconté pouvait aussi bien être du bobard. L’accident, la venue de Caroll, ils n’avaient aucune raison de me croire. J’essayai de justifier ainsi leur attitude. À cet instant je me dis qu’ils allaient me virer comme un malpropre. Je cherchai des yeux mon sac, prêt à prendre le chemin de la sortie. Les regards se croisaient. 
C’était apparemment plus compliqué que ça. Je n’avais pas toutes les pièces du puzzle. Il y eut un blanc. Dan sortit quelques bières du frigo et les distribua pour calmer le jeu. Il me dit doucement, presque en aparté, que le concessionnaire McKenzie était aussi le maire de Santa Clara et qu’ils n’étaient pas vraiment de son côté. Chacun se repassait un goulot et le suçait consciencieusement. La tension baissa imperceptiblement. La conversation reprit prudemment et glissa finalement sur ma mésaventure. Terrain neutre. Progressivement, chacun y alla de son commentaire. Dan s’attachait visiblement à banaliser mon affaire. 
Darleen, les jambes nues, posées sur l’accoudoir du canapé, évoqua le « panard » que j’avais dû prendre à zigzaguer sur le sable. Par deux fois, Mik me demanda d’exprimer le plaisir qui en était découlé. Il aimait ce passage des lents arrondis dans le sable. Tout le monde savourait l’instant en rigolant autour d’un volant imaginaire. Puis il avança une hypothèse sur ce que j’aurais dû faire pour éviter le looping. José à son tour minimisa les dégâts et, au bout de quelques minutes, Eduardo se tourna.
– Mik, donne-nous ton avis sur la méthode la plus efficace pour relever le bus de Victor. 
Mik réfléchit deux minutes.
– D’abord, il faut empêcher que ça ripe sur le sable... Il ne faut surtout pas tirer sur le châssis, ça le voilerait définitivement. Ensuite, il faut l’entourer de cordes et mettre des chevaux-vapeur en face ! 
En un clin d’œil, Mik avait pensé à chaque détail. Je trouvai ses propositions judicieuses et sans trop de risques pour mon pauvre bus. De toute façon, au point où j’en étais, j’étais prêt à tout tenter, mais j’étais trop crevé pour réagir convenablement. Je me risquai tout de même à demander à quel moment ils pensaient pouvoir aller chercher mon bus.
– Oh ! fit Eduardo... Un de ces jours… Demain ?... Faut voir... Mik, tu penses quoi ?

​(À SUIVRE)
0 Commentaires
<<Page précédente
    ​Livre papier, 
    format 12,5 x 20 cm, 418 pages,
    couverture souple, vernis mat.

    Prix TTC : 19,50€ 
    Livraison gratuite par Lettre 
    suivie
    (France métropolitaine).

    CHAQUE VENDREDI, RETROUVEZ ICI 
    LE ROMAN COMPLET
    ​EN LECTURE LIBRE

    les CHAPITRES PRÉCÉDENTS

    Janvier 2018
    Décembre 2017
    Novembre 2017
    Octobre 2017
    Septembre 2017
    Août 2017
    Juillet 2017
    Juin 2017
    Mai 2017

    Flux RSS

Powered by Create your own unique website with customizable templates.
  • ACCUEIL
  • LE LIVRE
  • L'AUTEUR
  • ILS EN PARLENT
  • REVUE DE PRESSE