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BARRANCA
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BARRANCA / CHAPITRE 2 / ÉPISODE 2

6/30/2017

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BIENVENUE DANS CETTE AVENTURE DÉJANTÉE. Il y a 56 épisodes. Chaque vendredi retrouvez ici le BARRANCA en lecture libre.

Résumé : Victor est à Clamart, il vient de lancer un défi à Romane : pointer une ville au hasard sur le globe terrestre de la classe de quatrième du lycée et y partir avec elle... 

​Romane avait sursauté. Elle ne s’attendait pas à ça. Je me demandais si c’était bien moi qui avais prononcé ces mots. Il ne fallait pas lâcher le morceau.
- On part tous les deux. Là où j'aurai pointé le doigt. Tu comprends ? On s'y retrouve. Sans tout ça… J'esquissais un geste large englobant le Centre Culturel et l’extrémité de la rue. En réalité, mon geste englobait aussi la Tour du Vieux Pont et le bahut, même s’il était maintenant hors de notre champ de vision. 
- On se retrouve et on décide de ce qu'on veut faire de nos vies... De ce qu'on veut faire ensemble… 
- De ce qu'on veut faire Victor ? Comme des petits bourgeois ! Tu crois pas que c'est plus important, le blocus de Cuba ?
- Heu, je… 
Là mon hésitation maladroite avait laissé une porte ouverte dans laquelle Romane s’engouffra sans hésiter. Elle redémarra au quart de tour. Elle martelait ses phrases avec ses poings fermés, sans que je trouve la moindre fissure pour l’arrêter.
- Le blocus contre Cuba équivaut, aux termes de la Convention de Genève de 1948, à un crime de génocide ! C'est super primordial ! Seulement, tu t'en fous…
À cet instant je m’en foutais effectivement. Ni la Convention de Genève ni le sort de Castro ne m’importaient plus que ça. Ma tête était ailleurs. Elle était plus proche du globe de la classe des quatrièmes que de la Place de la Révolution. 
- Oh ! Romane, arrête de réciter comme un perroquet… Douze ans à faire le même chemin le matin et le soir : La rue du Vieux Pont dans les deux sens. Le matin jusqu'au bout pour contourner les grandes fontaines cylindriques avant d'atteindre le lycée… Et le soir le même sempiternel chemin dans l'autre sens, en repassant devant l'école primaire, ça ne te suffit pas ? Ça fait trop longtemps qu'on fréquente tous les deux ces ruelles mouillées... Du primaire au secondaire et je te fais grâce de mes années de redoublements ! Tout ça c'est fini, il faut passer à la suite... La tour de la rue du Vieux Pont est devenue trop riquiqui. Romane, ça fait une décennie que je la vois se rétrécir au fil des jours... Tu le sais aussi bien que moi, alors tirons-en les conséquences !

La tour de la rue du Vieux Pont, mes parents y étaient arrivés douze années auparavant, poussés par les événements. Des événements assourdissants. Des bruits de mitraille, d’avions et de DCA. Tout a volé en éclat. Les murs et les hommes. J’ai appris que le sable dans lequel j’enfonçais mes orteils d’enfant depuis ma naissance n’était pas le mien. La mer n’était pas la mienne, les crabes n’étaient pas les miens. Des forces inaccessibles avaient décidé pour moi. Nous avons lâché mes  plages de la méditerranée. 
Depuis, les automnes s'étaient alignés comme des barres de HLM. Réguliers et monotones. Romane habitait au troisième étage, Antoine au onzième, moi, juste au dessus, au douzième. 
Le père de Romane était un ancien danseur mondain qui avait bien réussi dans une reconversion tardive en vendeur de voitures chez Panhard, avenue de la Grande Armée. Il était devenu d’une telle fidélité à la marque qu’il avait nommé son setter irlandais Dyna. La mère de Romane était une très belle femme, ancienne amazone au Moulin Rouge reconvertie, pour sa part, en mère au foyer. Elle descendait d’une famille d’aristocrates russes blancs qui avait fui la révolution d’octobre. Elle reprochait à son mari, malgré une confortable situation, de ne pas lui apporter le rang social digne de sa grande famille, dont les membres étaient devenus pour la plupart, chauffeurs de taxis à Nice. Ça gueulait souvent en bas et ça se répercutait dans les étages. Nos adolescences étaient nées de cet immeuble dans le ronron des saisons scolaires. 

Grâce à ses origines anglaises, mon père avait trouvé in extrémis un emploi qui nécessitait d’être parfaitement bilingue, à la surveillance du frêt à Orly. Il me parlait sa langue natale depuis mon plus jeune âge. La famille avait atterri dans cette tour grisâtre. Depuis notre installation, je n'avais connu que cette tour. À notre arrivée le bâtiment en forme de L sentait cette odeur froide du ciment brut de décoffrage et les cages d'escalier étaient encore en chantier. Pas de peinture ni de papier aux murs. Relent de mortier et gravats à chaque étage. Les vide-ordures couinaient neuf et n'avaient pas encore les relents de poubelles. Le jardin était en friche et le parking un terrain vague jonché de madriers de chantier. On avait finalement fait comme tout le monde. On s’était niché là. On n’a plus bougé. J'avais grandi au sein de cette tour comme un insecte dans sa carapace. 

Au début, quand on est môme, ça fait grand une petite pièce. On ne distingue même pas les murs de la chambre. Ils sont loin. Comme un décor immuable. Comme le ciel et les nuages, on ne les différencie pas du reste du panorama. Le papier à grosses fleurs paraît éloigné et le plafond insaisissable. Il y a de l’espace. Suffisamment plein d’espace. Et de toute façon, on n’a rien connu d'autre. Les années passent, les meubles s'entassent, les cahiers aussi, les livres scolaires, les jouets, les dessins qu'on rêve à longueur de temps et qui finissent à la corbeille. On grandit, on entasse. Les murs se rapprochent confusément et la chambre rapetisse un peu plus chaque jour sans qu'on s'en rende compte. On se confine, on se case entre deux chaises ou sous le bureau. On trouve toujours un recoin. Et puis on s'étale jusqu'à la salle à manger où l’on se pointe pour avoir un peu plus de place. Un peu plus d'air et ça nous suffit pour un bail encore. C’est reparti, ça temporise, ça fait patienter quelques lustres, ça agrandit un peu l'horizon, suffisamment. Le jeudi, on reçoit les copains dans le salon. On y prend le goûter, on y écoute la radio. Ça prolonge les années d’insouciance. Puis un jour, fatalement on bute à nouveau sur les murs. Ça recommence. Tout autour ils se sont dressés à nouveau. C'est devenu contigu, exigu. Les cloisons nous sautent au nez. Il faut de l'air, vite !  

Depuis quelques années, Romane et moi, nous avions un coin secret. Au-dessus de ce petit monde étriqué et bien rodé. Juste après le quinzième étage il y avait un palier oublié près de la machinerie de l'ascenseur. À l'abri des allées et venues des locataires. La section carrée de ma règle métallique scolaire correspondait exactement à la clenche de la serrure. Ça nous ouvrait la porte du paradis. Une porte en fer jaune vif, ornée d’au moins cent boulons. Nous avions baptisé ce petit coin "Yellow-Submarine". Il donnait directement sur le toit de l’immeuble face à une petite terrasse en gravier, bordée de rouleaux bituminés argentés. Romane et moi, on se retrouvait souvent là-haut le soir après les cours. On y fricotait tranquilles par delà les quarante-cinq mètres d'aplomb sans garde-fou qui dominaient la rue. La vue était imprenable sur les quartiers alentours. 
Le soir, les appartements s’allumaient les uns après les autres offrant à nos regards l’intimité ordinaire des copropriétaires. La ville était à nos pieds et n’attendait que nous. Vision étrange. Il suffisait de s’élancer depuis le haut de notre sous-marin jaune sur le trottoir d’en face pour nous évader de cette tour. Ça paraissait si simple. Trop petite, trop étriquée, à bout de souffle, la Tour de Vieux Pont. Douze ans ; il était temps de sauter.

- C'est d'accord pour le globe, fit Romane à reculons, mais on termine d'abord. Il me reste un partiel. Je ne veux pas partir les mains vides...
- Marché conclu ! 
Je sautai sur la décision avant que Romane ne change d’avis. 
- Je pointerai sérieusement, sans tricher, je te le promets. Je partirai une semaine avant toi pour trouver un point de chute et t’accueillir sur place. 
- En attendant, grâce à moi on a un peu d'avance. Viens, il y a un banc là-bas. 
Entre deux rangées de lauriers, face au grand calicot qui annonçait l'expo le long de la façade, Romane reprit son argumentaire exactement au point où elle l'avait laissé.
- Il est pas mal le coin où tu nous as entraîné : On peut regarder l'expo de l'extérieur grâce aux baies vitrées... On aura presque terminé la visite sans même y entrer...
- Oui, mais cesse de me couper sans arrêt, Vic, je te parlais de la Havane et du Che ! 
J’aimais quand Romane m’appelait Vic. Nous avions prononcé tant et tant de fois nos prénoms qu’ils avaient rétréci à l’usage. Il ne restait plus dans sa bouche que le condensé de mon nom. L’essentiel. Le noyau dur. Elle savait en user quand il le fallait. 
- Vachement important ! 
Fis-je avec ironie alors que je l'enlaçais de mon bras droit. Romane avait la peau douce des premières amours en même temps que la chair douillette des mamans câlines. Elle était déjà l’amante et encore la mère. J’aimais doublement la caresser et l’embrasser.

Nous nous serrions l’un contre l’autre sur le banc. Romane mit sa main dans ma poche et je la sentais me caresser l'entre-jambes au travers le tissu. La rue était déserte. 
- Dis donc, mon salaud, tu ne détestes pas... On dirait que ça monte là-dessous... 
Encouragée, Romane replongeait dans l'étreinte et me branlait plus activement.
- Il y a des régions entières encore désertes dans le monde... à découvrir. Il y a un coin sur la côte Ouest du Mexique… Séparé du continent par un bras de mer chaud et transparent... La Mer de Cortez, c'est... 
- Cortez le conquistador ? Fit-elle, en me masturbant plus subtilement en entourant mon gland entre le pouce et l’index. Il n'y a personne à la ronde mon coco... Je vais venger les victimes du colonialisme, tu vas payer pour Cortez ! 
Elle intensifia les allers retours.
- Il va y avoir attentat à la pudeur, si tu continues, Romane... Je… Je n’y suis pour rien s’ils ont donné le nom d'un salopard de conquistador à ce bras de mer. 
Romane m'astiquait toujours. J'avais ouvert son corsage à fleurs et je commençais à lui caresser la poitrine. Elle eut des petits sursauts ce qui lui procurait encore plus d'enthousiasme pour s'affairer dans ma poche. 
- ...À Cuba, la révolution a changé la vie des plus démunis. Tu sais par qui était dirigé le pays avant Castro ?
Nous étions à moitié débraillés. Romane assurait un max avec des allers et retours de plus en plus vigoureux. Je lui rendais la politesse en lui passant abondamment la main entre les cuisses. Je glissais les doigts sous sa petite culotte en fin coton que j’aimais tant. Elle sursauta, mais ne lâcha pas le morceau.
- ...Batista y Zadivar ! Ils l'ont foutu dehors à coups de pavés dans la gueule. Son peuple était opprimé pendant que ce salaud s'empiffrait ! C'est bien le mouvement révolutionnaire qui l'a viré, non ? 
Elle maintint ma main sous sa jupe avec insistance. 
- Castro ou Mao, c'est les mêmes qu'avant, tu ne vois pas ? Tu changes les uns par les autres et le processus recommence. La classe dirigeante devient la nomenklatura... et le tour est joué ! Tu es naïve... Tu veux troquer des mecs par d'autres mecs. Ils ont les mêmes faiblesses. Changer en conservant les même comportements humains, ça ne peut pas marcher...
- Vic, il y a des millions de gens qui attendent...
- ... Dont moi, maintenant !
- Tu es con par moments ! Attends, tu ne vas pas être déçu, mon vieux... 
Romane intercepta ma queue avec ardeur. Elle était trempée, elle déboutonna ma braguette et entrepris une prise directe. Elle empoigna mon sexe à pleine main, je balbutiais... Soudain, je me redressais brusquement et arrêtai net ses allers retours. 
- Romane, ça bouge dans l'expo ! Merde !
Effectivement, des visiteurs circulaient derrière les vitres. Si certains faisaient consciencieusement le tour des photos, d'autres par contre s'étaient bel et bien collé le nez à la vitre pour ne rien manquer du spectacle qu'on leur offrait. 
- Trois heures moins dix, ça fait vingt minutes qu’ils matent !
Je rangeais ma queue tant bien que mal et me refroquais en catimini. Romane était ébouriffée. Une auréole apparut près de ma poche. 
- Ce sont des féministes fanatiques qui fréquentent cette expo, je ne peux pas y entrer comme ça, elles vont me lyncher...
- Je t'assure, Vic, c'est que des mecs qui mataient... Elle se pencha sur ma braguette. 
- On ne voit rien et puis de toute façon tout le monde s'en fout ! 

Le bus 27 m’avait déposé au coin de l’avenue Marcel Sambat. Je longeais le mur gris du lycée. Un large graffiti y déclamait en lettres noires, vaguement peintes au rouleau : “Le cul est politique”. L’inscription, issue des événements de mai l’an passé, était encore déchiffrable malgré les multiples tentatives d’effacement. J’étais passé des dizaines de fois devant ce graph, et à chaque fois il me fascinait. Je m’interrogeais sur son sens et je me demandais quel esprit tordu avait pu avoir une telle intuition. Comment pouvait-on relier le cul et la politique ?
“Le cul est politique”. Je ressassais encore cette phrase en passant la porte de l'entrée de la Tour du Vieux Pont. Je m'engouffrais dans l'ascenseur... treizième, quatorzième, quinzième. 
- Romane ? L'appel était chuchoté dans la cage d’escalier.
- ... Vic ? La réponse formulée d’un susurrement volontaire tomba avec délivrance de la cage en fer. 
-  Ah, tu es là ? J'arrive ! 
Je finissais quatre à quatre les marches de notre palier secret. 
- Je l'ai ! Je l'ai, Romane, ric-rac, mais je l'ai... Et toi, tu l’as ? 
- Avec mention !
 - La vache ! 
Nous nous retrouvions collés l'un à l'autre, adossés à la porte métallique jaune. L'ascenseur continuait ses allers et retours réguliers, les "clang" mécaniques rythmaient les arrêts de la cabine aux étages et résonnaient à nos oreilles. Chaque étage avait un son différent que nous avions appris à reconnaître. Nous pouvions situer avec précision la position de la cabine dans son parcours : dixième, onzième...
- Antoine est reçu aussi, je viens de le croiser.
Romane m'enlaça avec tendresse. 
- Tu sais Romane, j'ai posé mon doigt sur le globe de la classe de géo... 
- Et alors ?
- C'est tombé sur une petite ville dont je ne connaissais même pas le nom jusque-là... 
- Dis toujours…
- Santa Clara... Je fredonnais les syllabes. Il faut se tirer d'ici, Romane, cette tour, cet escalier, ça pue le renfermé... Direction Santa Clara !
Romane resta perplexe quelques secondes. Je me demandai si elle n’allait pas revenir sur son accord de l’autre jour.
- Une semaine, Victor, on se donne une semaine... Après j'ai une possibilité de travailler. Une association pour la réinsertion par le travail… Ils aident les démunis à créer leur propre entreprise…
- Tu ne m'avais rien dit...
- J'ai trouvé ça par David, tu sais, mon pote qui milite chez les socialistes. 

Ça faisait un bon moment que j’avais vu le manège de ce David et ses sermons de bonimenteur rôder autour de Romane. Mais l’heure n’était pas à la chamaillerie. Je plaquais délicatement Romane contre le mur de la machinerie, je glissais mes doigts entre l'élastique et sa peau tendre et je tirais doucement le slip vers le bas.  

​(À SUIVRE)
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