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Résumé : À la suite d'un pari de jeunesse insensé, Victor se retrouve dans une petite ville inconnue, du sud des Etats Unis, Santa Clara. Après un violent ouragan, Victor fait un tonneau sur la plage, en conduisant son minibus tout juste acheté... J’avais vu grossir la lueur des phares au loin. D’abord tout petits, se confondant, cahotant, puis devenant plus distincts, ils se dédoublaient à présent pour devenir l’expression perceptible d’un véhicule civilisé. La nuit était quasiment tombée, mais la luminosité était encore suffisante pour nuancer les couleurs du sable, de la mer et du ciel. Je ne rêvais pas, la lueur se rapprochait. Un ronflement régulier devenait perceptible, un ronron paisible de V8. Un gros moteur bien huileux avec des râteaux et des pignons, des bielles et des chevrons. Ça coinçait sûrement l’huile chaude dans le carter bouillant. J’imaginais déjà la tête du mastard en marcel qui allait débouler sous peu. Avait-il la gueule d’un bilieux obtus ou la tête angulaire d’un atrabilaire ? Avait-il une épaisse tignasse hirsute et grasse de cheveux teints ou bien une calvitie pelée de moine bouddhiste ? « Je m’en fous », pensai-je. Gros, gras, boudiné, peu m’importait, je m’en accommoderais. Le tableau était tellement lamentable. Au moins, c’était la signature ronflante d’une présence humaine au milieu de cet écrin brut. J’en étais encore à me demander si ce mastard allait s’arrêter, lorsque le vrombissement sourd de la puissante machine domina le roulement des vagues. La voiture ralentit et bifurqua vers moi. Pour une fois, je trouvais à tout ce cliquetis d’engrenages le charme d’un chœur de licornes effarouchées. La Corvette parvint mollement jusqu’à ma hauteur. Les rubans de tissu multicolores qui flottaient dans le sillage de l’antenne radio débandaient doucement. – Que vous est-il arrivé, c’est l’ouragan ? Vous êtes là depuis longtemps ? Une main féminine était posée sur la portière dont la vitre avait glissé imperceptiblement. Je n’en revenais pas, mon mastard était une frêle jeune femme au teint de lait-fraise. – Non, ce n’est pas le cyclone... Il m’est arrivé une connerie, fis-je, accablé. Je n’arrivai pas à sortir autre chose. Sans parler plus avant de ma nuque qui me lançait. Je balbutiai maladroitement en triturant mes cervicales. – L’ouragan ! rectifia la jeune femme. – Ok, va pour l’ouragan, je ne vais pas chicaner, au point où j’en suis... J’ai fait l’imbécile et voilà le résultat. Je désignai le minibus, les roues en l’air. Impayable, non ? Les traces profondes laissées sur le sable par le dérapage indiquaient sans ambiguïté la trajectoire tragique que j’avais suivie. – Il faut appeler du secours ? Vous êtes blessé ? – Non, pas vraiment... Je ne crois pas, juste un peu mal au cou. Vous avez une corde ? – Vous voulez vous pendre ? En temps normal, j’aurais applaudi des deux mains à la vanne, mais là, je ne m’en sentais pas la force. J’étais épuisé. J’appuyai mon coude sur le toit de la voiture et je palpai les rubans chamarrés qui pendaient à l’antenne. – Non, c’est pour… Je réalisai la stupidité de ma requête en apercevant la conductrice derrière son volant. Elle n’avait pas vraiment un profil de camionneur. Elle était fluette, et sa frimousse angélique contrastait plutôt avec la puissance démesurée de son bolide. On pouvait même douter qu’une gamine comme elle possède le permis de conduire un tel monstre. Son visage lisse souriait dans le soir tombant. Les voyants de sa monstrueuse machine scintillaient dans le noir du tableau de bord. Il y en avait partout. Elle devait avoir seize ou dix-sept ans tout au plus. – Une corde ? Mon pauvre, vous ne me voyez pas tirant dessus pour relever votre bus... ? La situation était vraiment cocasse. Outre que j’étais devenu « son pauvre », ce qui était certainement proche de la réalité, elle précisa avant que je n’ouvre la bouche : – Pouah ! En plus, il est franchement amoché, votre camion, ne me dites pas que vous avez fait ça tout seul ! Sans doute, la circonstance était-elle aggravante. Ses yeux s’écarquillaient et regardaient au ciel comme pour implorer je ne sais quelle madone. Elle aussi avait dû rester confinée dans une cave durant la tempête. Elle était venue respirer un bon bol d’air de la mer et en bonus elle assistait en nocturne à la séance d’un numéro de cascade improvisé, avec lumières tamisées et son stéréo. De plus, le spectacle était à mes frais. Le contenu de mon minibus – la farine, les œufs, le beurre, assemblés en un gigantesque kouglof – devait certainement être le cadet de ses soucis. Je me disais qu’il ne sortirait rien de sa présence et que j’allais rester planté là encore un bon moment. Dans deux secondes, elle allait me débiter un prétexte à la noix et repartir pour terminer sa promenade solitaire. Ses yeux se levèrent à nouveau vers la madone. Cette fille avait une bouille d’angelot. (À SUIVRE)
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Janvier 2018
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