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BARRANCA
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BARRANCA / ÉPISODE 15

9/8/2017

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BIENVENUE DANS CETTE AVENTURE DÉJANTÉE. Chaque vendredi retrouvez ici BARRANCA en lecture libre. 

​Résumé : Après avoir fait un tonneau avec son minibus sur une plage immense, Victor est secouru par une jeune femme dans un bolide...  
​

Elle n’avait certainement fait ni le bien ni le mal dans sa vie. Pas eu vraiment le temps. Elle était nantie sans y être pour quoi que ce soit. C’était comme ça. Elle était simplement tombée du bon côté du mur à la naissance. Naître ici, c’était de toute façon tomber du bon côté du mur. Il n’y avait pas mieux. Dans cette région du globe, les murs n’ont que des bons côtés. 
Partout ailleurs, les murs poussent comme des champignons, et ceux-là, ils ont toujours un mauvais côté. Un sale côté où des chiens efflanqués, craignant les jets de pierres, filent en frôlant les parpaings gris en quête de rares déchets, où les hommes ne sont plus que des ombres, guère mieux lotis que les animaux. Les murs, ils commencent à se dresser partout sur la Terre. Ça commence par les frontières et finalement ils se dressent en se resserrant sur des hommes. Ils parviennent autour des résidences particulières. Le monde s’enferme autour de ses petits acquis. L’abondance ne se partage pas. Il allait falloir nous habituer. Nous allions vers les barbelés jusqu’à la fin des temps. Mais mon angelot ne pouvait rien à tout ce chaos. Elle profitait du bon côté sans y avoir contribué encore.
– On peut se tutoyer, si tu veux... Je connais des gens qui pourraient peut-être t’aider, coupa-t-elle sans sourciller. 
– S’ils étaient dans ton coffre, ça m’arrangerait. 
C’était nul. Mon sarcasme de naufragé des sables tomba à plat. Ce chérubin descendu du ciel avait une puissante voiture neuve sur ses quatre roues et l’insouciance qui allait avec. Je ne faisais pas le poids. Je ne connaissais rien à ces bolides rutilants à moteur V quelque chose. La plupart des bipèdes mâles de cette planète sont hypnotisés par ce genre de trucs. Moi, je me foutais complètement de ces monstres à quatre roues. Je connaissais tout juste les quatre cylindres à plat du VW que je venais d’acquérir au prix fort. Je savais qu’il valait mieux ne pas tripoter un boulon au-dessus du renifleur du moteur, sous peine de le voir disparaître dans l’orifice, avec le risque de tout bloquer. Ils m’avaient bien précisé cela chez le concessionnaire, le jour où ils m’avaient livré le combi. Je n’étais même pas sûr d’avoir tout compris. Pour le reste des bagnoles, je m’en battais l’œil. Je pensais plutôt aux réparations colossales que mon bus réclamait et je m’interrogeais sur la tête du mécène qui allait m’apporter du secours. D’un geste machinal, l’angelot vérifia le col en coton bleu de sa chemise, qu’elle lissa du pouce jusqu’à la pointe. 
– Excuse-moi, je crois que j’ai pété un câble. 
Elle sourit par compassion.
– Ce n’est pas tout près, m’annonça-t-elle, finaude, en montrant la direction d’où je venais. 
– Je ferme le bus et j’arrive... 
Elle esquissa un sourire sans conviction, puis elle se pencha en avant pour atteindre le bouton de la radio. 
– Ne laisse rien d’important, on ne sait jamais, ajouta-t-elle en haussant le ton.
Il n’y avait rien d’autre à faire. Il fallait me résigner, j’allais laisser là le minibus dans lequel j’avais mis tant d’espoirs. Je fis mentalement défiler une vague check-list en visitant virtuellement tous les recoins du minibus dans l’illusion de ne rien oublier. 
– Tu me parles ?
Quelques accords de piano filtraient par la vitre. Elle n’avait pas entendu, je forçai la voix. 
– Non, je me parle à moi-même. J’essaie de ne rien oublier.
– Je te laisse te concentrer, alors ! fit-elle sans conviction, en tripotant le volume de l’autoradio.
Je dois dire qu’elle se montra patiente. Elle monta le volume, la musique traversa l’espace lunaire. Je repris consciencieusement mon inventaire en marmonnant : « Mon fric, enfin ce qu’il en reste, mes clefs, mon passeport… » Dans le fatras, j’attrapai du bout des doigts La Longue Route, un brin dégoulinant d’un liquide non identifié, et aussi le petit dessin de Folon que Romane avait découpé dans Le Monde, juste après l’élection démocratique d’Allende au Chili. Elle me l’avait offert avant de partir et je l’avais scotché dans mon petit carnet d’adresses noir qui ne me quittait jamais. Il représentait deux types dans le style dépouillé de Folon, le premier disait à l’autre Au Chili ?, l’autre répliquait Au Chili !. 
Contact coupé, portes fermées, pas de lumière allumée… « C’est bon, je dois pouvoir y aller. » Je considérai une dernière fois mon bus couché sur le flanc. 

(À SUIVRE)


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