La voix de José me surprit.
– ... Heu... non, j’ai cru voir un truc hier soir, une sorte de longue forme arrondie. Comme une planche à repasser géante... – Ici, tu sais, il y a surtout des bagnoles... Là, c’est la maison de Mik... José me désignait la première maison que l’on voyait en entrant sur le terrain. Et là, c’est chez moi. José indiquait un vieux chalutier dont la proue pointait vers la maison. – Tu crèches dans le bateau ? – Oui, et je n’ai pas le mal de mer. À l’occasion, passe, je te ferai visiter. Et là-bas c’est le coin d’Eduardo et Darleen... – Dans la caravane ? – Oui, c’est la caravane d’Eduardo. LA caravane d’Eduardo ! Il insista sur le LA pour bien exprimer le caractère unique de l’agencement mais aussi la personnalité du propriétaire. La caravane d’Eduardo était composée de deux Airstream soudées l’une à l’autre en forme de V assez large. Eduardo aurait aussi bien pu enlever les roues, elles n’avaient plus aucune utilité, mais il trouvait que sans roues ce n’était plus vraiment une caravane... Ça aurait ressemblé à n’importe quel refuge ordinaire en tôle de zinc, alors il avait gardé les roues. – Et puis comme ça il peut toujours tourner en rond ! précisa José en s’esclaffant. Finalement, ça faisait un beau morceau de caravane, confortable. Eduardo vivait là avec Darleen. Le mobile home n’avait plus l’allure rutilante du départ mais un aspect plutôt terne auquel Eduardo avait ajouté sa touche : les fenêtres d’origine avaient été remplacées par des hublots de différentes tailles, soudés çà et là en fonction des récupérations. Ça donnait à l’ensemble un air de soucoupe volante. Un tuyau d’arrosage en caoutchouc rouge apportait l’eau courante en la réchauffant dans la journée. Le reste de la place était occupé par un enclos avec deux chèvres et trois vieilles voitures : les deux chèvres étaient là pour le lait, les voitures attendaient une éventuelle transformation. Mais ce n’était pas pressé, « il y aura bien un acheteur », disait-il. Au départ, le terrain était celui d’Eduardo qui l’avait acheté à l’époque où ça ne valait encore presque rien par ici. Il avait vu large. Depuis, ça s’était loti alentour et le prix du mètre carré avait explosé. Eduardo avait été un des musiciens des Black Horses, un groupe de folk chicano local. Le groupe cartonnait dans la région, et Eduardo empochait pas mal de fric. Mais à la suite d’un accident de moto sur la corniche, il avait perdu l’usage de sa main gauche et ne pouvait plus gratter la guitare. Ses quatre partenaires, chicanos comme lui, avaient continué avec un autre guitariste. Il ne leur en gardait pas rancune et suivait le groupe de loin. Depuis, il restait près de sa caravane mais il aimait toujours vivre en groupe. Alors il avait accueilli ses copains sur son terrain sans aucune contrepartie. La taxe foncière était abordable et chacun participait à hauteur de ses moyens. Tous comprenaient l’équilibre à trouver, et le groupe fonctionnait sans accroc sur cette base. Eduardo possédait aussi le garage qui servait d’atelier. (À SUIVRE)
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Janvier 2018
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